Another---Story

Dix minutes plus tard, un portail immense apparut au bout d'un sentier étroit en pleine forêt. Celui-ci s'ouvrit automatiquement, et nous avançâmes dans ce qui était désormais, le domaine Hunter. Plus de cinq-cents hectares de terrain boisé, où se trouvait cinq immenses manoirs. Logan emprunta le chemin qui menait au manoir numéro un. Celui des vampires. Car oui, notre monde était loin d'être aussi restreint que ce que l'on voulait nous faire croire. Je faisais partie de ce que l'on appelait les Hunters - Chasseurs. Notre but était de détruire toute créature qui attente à l'humanité. Beaucoup de personnes peuvent croire que les Hunters font partie d'une communauté entièrement faite d'humains, mais non. Il y avait cinq espèces : les vampires, les humains, les immortels ( et demis-mortels ), les transformateurs ( ils peuvent se transformer depuis des générations en une espèce bien précise ), et les autres qui détenaient des pouvoirs surnaturels. Plus communément appelés sorciers.

Logan se gara devant le manoir et nous descendîmes. Comme toujours, la porte d'entrée était grande ouverte, et nous pouvions entendre une musique douce envahir les lieux, avec des éclats de voix ici et là. Nous montâmes les marches du perron, et nous engouffrâmes dans la demeure. La pièce où j'étais - qui faisait la surface totale de l'habitation -, était ce qui servait de salon, de salle à manger, et de cuisine américaine. Les vampires occupaient la pièce et discutaient. Tout le monde avait une image bien précise du vampire. Immortel au teint blafard, à la force surhumaine, ne buvant que du sang, dormant dans un cercueil, et brûlant au soleil. Cependant ce n'était pas tout à fait vrai. Ils étaient pâles, se nourrissaient de sang, mais pouvaient se nourrir tel un humain. Contrairement à la légende, ils ne dormaient pas dans un cercueil, mais dans un lit, et ils ne craignaient pas la lumière.

Certains vampires se retournèrent à mon arrivée, étant donné que j'étais la seule humaine du coin. Je n'avais rien à craindre d'eux, car ils avaient fait le serment de ne plus toucher à une seule goutte de sang humain. Cela n'empêcha pourtant pas Logan de passer son bras dans mon dos. Je lui lançais un regard interrogatif, et il se contenta d'hausser les épaules avec nonchalance. Je soupirais. Mon meilleur ami était un vampire, et protecteur de surcroît. Il ne me lâcherait pas d'une semelle.

Nous empruntâmes le grand escalier qui se trouvait sur le pan de mur de gauche de la porte d'entrée. Une fois arrivés au dernier étage, nous marchâmes dans un couloir qui était seulement éclairé par les rayons de lumière qui passaient sous les portes. Nous arrivâmes à la dernière, où mon ami toqua avant d'entrer. Théodore, un homme qui faisait entre vingt-cinq et trente ans - car il avait plus de mille ans, étant donné que c'était un immortel. Il avait les cheveux châtains, les yeux gris cendrés, et une peau aussi pâle que celle d'un vampire. Il avait beaucoup de charme, une attitude protectrice et un joli sourire, mais je ne l'aimais pas plus que ça. En fait, je le haïssais.

Le bureau était assez grand. Une bibliothèque recouvrait entièrement les deux pans de murs opposés. Au fond, derrière le bureau, se trouvait une grande baie vitrée qui donnait sur le terrain verdoyant de la propriété. Le parquet en bois massif concordait parfaitement avec le bureau de chêne et de marbre qui trônait dessus, et où deux fauteuils rouge vif lui faisaient face. La pièce était élégante et ancienne, à l'image de son propriétaire. Théodore O'Hagan, riche immortel irlandais, qui avait eu une liaison avec ma mère.

__ Je suis heureux de te voir Lana. Me fit-il en contournant la table, avant de me tendre la main.

C'est cela, bien sûr !

Je lui lançais un regard glacial, qui le mit mal à l'aise et il rétracta sa main. Il fit donc une poignée de main à mon protecteur, alla s'assoir à son bureau, où il nous intima d'en faire de même. Une fois cela fait, il prit la parole.

__ Voici votre prochaine mission. Dit-il en me tendant une enveloppe en kraft.

Je m'en saisis, le remerciais même si cela me brûlait la langue, et me levais pour sortir de là. Je ne tenais pas compte de mon prénom qui retentit dans le couloir, et j'allais directement dans la voiture garée juste devant le manoir. J'ouvris la portière et m'installais sur la banquette arrière, en me passant la main dans les cheveux, agacée. Comment pouvait-il être aussi sympathique avec ce qu'il avait fait ? Quel culot lui permettait-il d'agir de la sorte ? Je le détestais !

J'étais plongée dans mes pensées, retenant cette envie furieuse de frapper dans quelque chose, quand je fus interrompue par l'arrivée de Logan. Il s'installa au volant de sa voiture, et referma sèchement la portière. Quelques minutes passèrent où un silence relatif prenait place. Et au moment où je pensais qu'il allait démarrer, il se retourna vers moi, me foudroyant du regard. Je savais qu'il ne comprenait pas mon comportement envers Théodore. Il ne connaissait pas toute l'histoire, et même si il ne disait rien habituellement, aujourd'hui, je sentais qu'il voulait que je m'explique sur tout ça.

__ Mais bon sang qu'est-ce qui t'as pris ? À chaque fois que l'on vient ici, tu me fais le même manège ! Théodore ne t'as rien fait pour mériter ça !
__ Vraiment, et qu'est-ce que tu en sais ? Répliquais-je froidement.

Il fronça les sourcils, ne s'attendant décidément pas à ce genre de réponse de ma part, et il démarra rapidement. Ce vampire m'énervait, pas dans le sens où je ne l'aimais pas, car il était l'une des personnes les plus importantes de ma vie, mais même en colère il était toujours aussi ... irréprochable. D'une beauté énigmatique et dangereuse, ensorcelante. Je fermais fortement les paupières, en colère contre mes pensées. Je ne devais pas penser à lui de cette manière. C'est mon meilleur ami, juste ça.

Après être sortis du domaine, il roula pendant quelques minutes jusqu'à une aire de repos au bord de la route, entre les arbres de la forêt. Il coupa le moteur et se tourna vers moi, toujours aussi beau dans son énervement.

__ Explique-moi. Exigea-t-il
__ Je n'aime pas comment il se comporte avec moi, c'est tout ! Je n'aime pas l'air faussement sympathique qu'il prend dès que je suis là.
__ Lana. Me prévint-il en se pinçant l'arrête du nez, agacé par mon comportement. Je veux la vraie raison.

Pendant une seconde, je détestais le fait qu'il me connaisse aussi bien. J'aurais voulu ne pas parler de ça, mais il exigeait la vérité. La tension qui régnait dans l'habitacle était vraiment des plus étouffantes. Logan avait une grande estime de Théodore, et j'allais lui faire voir une facette qu'il ne connaissait pas. J'étais agacée par tout ça.

__ La vraie raison ? Demandais-je sarcastique. Il sait parfaitement pourquoi j'agis ainsi avec lui, et tu veux savoir pourquoi ? Parce que cet ... cet enfoiré a mis ma mère enceinte. C'est lui qui était « sensé » être mon père. Mais au lieu de ça, il s'est barré dès l'annonce de la grossesse. Et ne dis pas que c'était pour préserver le secret de son immortalité car maman appartient à la même espèce que lui. Il s'est enfui comme un lâche, prétextant qu'il avait du boulot à faire avec la confrérie Hunter. Un ... un stupide prétexte pour ne pas assumer son rôle de père !
« Maman, étant Hunter, le voyait tous les jours, mais il a agi comme un salaud avec elle. Avant que maman ne démissionne, alors que je n'avais que sept ans, je les ai entendus se disputer. Ils s'engueulaient tout le temps, car maman voulait qu'il assume son rôle, alors que lui ne voulait pas. Et un jour, mon prénom est apparu dans la conversation, mais lui, tout ce qu'il a répondu, c'était qu'il ne voulait pas me voir. Moi sa propre fille !
« Et maintenant, il ne se gène pas pour jouer au lèche-botte depuis que je suis au courant de ce qu'il s'est passé. J'ai compris qu'il était mon père, et je le hais pour ça ! Je ne veux pas de sa sympathie, ni de son air faussement compatissant ! Il n'est que mon géniteur, pas mon père ! Alors franchement, ma reconnaissance, il se la met où je pense ! Lâchais-je à bout de souffle, en m'affalant dans mon siège.

Je sentais les larmes pointer aux coins de mes yeux, et je cachais mon visage entre mes mains. Cela m'avait mis à fleur de peau, et je me sentais vraiment fragile et vulnérable. Je détestais me rappeler de ce genre de chose. Au fond de moi, j'avais envie d'arrêter cette haine qui m'animait dès que je voyais mon père. Peut être qu'en connaissant sa version des faits, j'aurais pu comprendre pourquoi. Mais dès que je le voyais, je me rappelais les mots qu'il avait dit, et je n'arrivais pas à agir avec neutralité. Parce que ça me blessait. Ça me faisait mal de savoir que mon propre père, ne voulait pas de moi. Je n'avais pourtant rien demandé et il me reniait. Le pire, c'est qu'à l'heure actuelle, il faisait tout pour me paraître sympathique, et j'étais méfiante face à son comportement des plus déroutants. J'avais irrigué des barrières pour qu'il ne m'atteigne pas, je ne voulais pas qu'il me fasse souffrir. Mais je savais qu'un jour où l'autre, j'allais devoir crever l'abcès avec lui. Cette situation ne pouvait pas durer éternellement, j'en prenais conscience, mais j'étais trop butée pour arranger les choses pour l'instant.

J'étais entrain de pleurer, quand j'entendis l'attache d'une ceinture se détacher et la mienne par la suite. Logan était sur la banquette arrière, et je sentais son regard sur moi. Je pouvais sentir son hésitation quand il me prit dans ses bras, m'écrasant doucement contre lui, avec cette tendresse qui le caractérisait. Ses bras froids autour de mon corps m'apportaient un réconfort sans pareil, tandis qu'il traçait des cercles apaisants dans mon dos avec l'une de ses mains. Il me répétait sans cesse des « Ça va aller. Chut. Je suis là ». J'avais la tête dans le cou froid de mon ami, et son parfum - du café avec une touche de miel - commença à m'apaiser. Je me sentais bien, et je commençais à me détendre entièrement. Les larmes continuèrent de glisser silencieusement sur mes joues, mais les sanglots n'étaient plus là. J'aimais l'odeur de Logan. Cela avait quelque chose de rassurant et d'extrêmement agréable. Ses bras puissants me donnaient une étreinte qui m'apaisait en un rien de temps, et je relevais les yeux vers lui pour le voir.

Ses iris me dardaient avec une intensité que je ne lui avais jamais vu. Quelque chose en moi s'agita, et mon souffle se coupa légèrement. Il me regardait comme s'il était tiraillé par quelque chose. Ses doigts froids entrèrent doucement en contact avec ma joue brûlante, essuyant mes larmes. Son contact m'envoya une onde électrique dans tout le corps, beaucoup plus puissante que lorsque que je lui faisais la bise, et cela me dérouta complètement. En y repensant bien, je n'avais jamais été aussi proche de lui en dix-sept ans, qu'à cet instant précis. Je pouvais sentir la chaleur irradier mes joues alors que je rougissais. Nos regards s'accrochèrent avec une attraction défiant toute logique, et je fus incapable de détourner les yeux. Sa main, qui reposait sur ma joue, glissa jusque dans mon cou où il pouvait sentir mon pouls s'accélérer. Je n'avais pas peur de sa nature, non. À cet instant, j'étais fiévreuse de son toucher. J'avais l'impression que ma peau venait d'entrer en combustion au moment où elle avait été en contact avec la sienne, et je souhaitais que cela ne s'arrête jamais. Mes yeux étaient entièrement hypnotisés par ses iris bleu ciel et lentement, sa tête se pencha vers moi, ses lèvres se rapprochant dangereusement des miennes. Je pouvais sentir son souffle frais me balayer le visage de façon imperceptible, alors que j'avais cette envie impérieuse qu'il ne m'embrasse. C'était comme si le temps s'était figé, que le monde avait cessé d'exister pour être remplacé par ses iris incandescentes. Il n'y avait plus que lui, et moi, dans cette voiture, dans notre bulle. Mais au moment où ses lèvres auraient du entrer en contact avec les miennes, elles atterrirent sur ma joue, alors que mon cœur loupait un battement.

Qu'est-ce ... que ... comment ... hein ?

Un quart de seconde plus tard, il était au volant de la voiture, une expression indéchiffrable sur le visage. Sa présence me manqua de manière immédiate et j'avais l'impression de ressentir un vide au fond de moi, comme s'il m'avait pris quelque chose qui désormais me manquait. Je me rattachais dans un état second et il démarra. Je me sentais toute bizarre, comme si je venais de toucher le paradis du bout des doigts avant de retomber brutalement sur la terre ferme. Certes, j'allais mieux car j'avais finalement abordé le sujet sensible de mon père avec Logan, mais j'étais pourtant toute retournée face à ce qu'il venait de se passer entre lui et moi. Je me repassais la scène plusieurs fois, me demandant si je n'avais finalement pas rêvé ce passage, mais le regard sombre de mon ami qui fixait la route, me disait le contraire. Cependant, le plus déroutant était que j'avais vraiment voulu qu'il m'embrasse. J'en étais justement contrariée et frustrée qu'il ne l'ait pas fait, et cela me gênait encore plus.

Car en une seconde, je ne le considérais désormais plus comme mon meilleur ami. Il y avait quelque chose qui avait changé. Quelque chose qui rendait mon corps tremblant par le manque de sa présence, et qui rendait mon cœur complètement hystérique dans ma poitrine à son simple souvenir. Et ça ... ça me faisait peur.